Cet automne, au Québec et plus particulièrement sur le territoire autochtone non cédé de Tiohtià:ke/Montréal, a lieu la première d’Af-flux, Biennale Transnationale Noire. Cette invitation au dialogue est lancée depuis l’un des centres urbains les plus cosmopolites et polyglottes au monde.
Dans cette ville québécoise, plus d’un habitant sur trois est un immigrant, les minorités visibles représentent un tiers de sa population et une personne sur dix est noire.
En parfaite adéquation avec son lieu, cette biennale s’interroge sur l’apport des multiples communautés noires au débat de l’art contemporain. Sollicitées de manière ponctuelle ou individuelle, ces voix souvent instrumentalisées ont aujourd’hui leur biennale.
Néanmoins, dans un monde globalisé poussant au repli identitaire, user des mots « noire » et « transnationale » pour qualifier un événement, est autant un acte de défiance que d’ouverture.
Près d’un siècle après le mouvement de la « négritude » qu’Aimée Césaire définissait comme « la simple reconnaissance du fait d’être noir », aujourd’hui encore, utiliser le mot « Noir » fait ressurgir une forme d’inconfort. Car faire usage du mot, c’est faire appel à la complexité de l’histoire et à la persistance des préjugés.
Cependant, être « noir » ne saurait désigner une identité, une communauté, une diaspora précise et encore moins une culture. Le corps noir participe d’une expérience transnationale du monde ; ce que Web Dubois appelle la « double conscience » et que Walter Mignolo nomme le « Im-migrant » (en traduction le « je-suis-migrant ») ; c’est-à-dire des “je” qui se définissent par le passage d’un monde à l’autre et non par rapport au seul territoire de naissance. Ainsi il se construit, hors de l’Afrique, sur les différents sols d’Occident, des expériences singulières et riches.
Af-flux Biennale Transnationale Noire, souhaite ainsi relier ces expériences et ces héritages qui partout en Occident s’éveillent.