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Transmission noire

Mille chemins d'humanité

Une proposition initiée par Olivier Marboeuf et Moridja Kitenge Banza

Contre-héroïsme et hantise noire : une archive noire

Nous nous garderons bien cependant de tout héroïsme noir afin d’éviter le piège éblouissant d’une contre-histoire symétrique de celle qui a déjà jeté tant d’existences dans l’ombre. Nous prendrons soin des gestes fragiles, incomplets, mais secrètement visionnaires, des voix des femmes notamment, souvent reléguées au second plan des historiographies autorisées. Seul ce soin peut construire les bases d’une réparation, car ni les personnes ni les objets ne pourront retrouver leur place. Toutes et tous sont transformés et c’est d’observer ce processus de transformation vitale ainsi que toutes les interrelations qu’elle suppose qui nous intéresse. Parce que nous ne souhaitons pas ériger de nouvelles statues et célébrer de nouveaux propriétaires, ni nous engager dans une tokenisation noire qui ne servirait qu’à alimenter un marché de l’art toxique toujours avide de nouvelles matières à consumer. C’est une autre histoire de l’art et des gestes culturelles à laquelle nous souhaitons nous associer : une histoire vivante et incertaine, une histoire des multitudes noires.

Ce que nous avons alors choisi d’appeler la transmission noire signifie plusieurs choses. Tout d’abord, nous nommons ainsi la manière dont des signaux faibles, des arts de la résistance et des manières de faire, parviennent à circuler de génération en génération. Par quel chemin, à partir de quelles traces se construit ainsi un présent noir qui n’a rien d’une nouveauté et possède au contraire une épaisseur particulière ? Notre proposition curatoriale est ainsi penser dans le régime de l’écho, de la persistance des traces, à partir de ce qui existe chez des artistes et réapparaît plus tard chez d’autres, ce qui était déjà là chez celles et ceux qu’on a peut-être oublié et que nous choisissons d’honorer dans une perspective qui n’est pas patrimoniale mais dans un geste du vivant continué. Les signes, les voix et les matières survivent et réapparaissent car iels hantent les consciences et les corps. C’est la nature singulière de cette archive noire qui sera au cœur de nos préoccupations. Notre projet curatorial mettra en valeur des artistes de plusieurs générations, géographies, milieu social, genre et sexualité, des artistes identifiés et d’autres que l’on a parfois appelé des outsiders. Nous savons pertinemment qu’une constellation transnationale noire comporte toujours des étoiles si brillantes que personne ne veut les voir. A nous de les relier par cette autre manière de faire histoire et de faire archive sans propriétaire et sans héros.

Transmission et communauté locale : médiation conteuse

Nous intéresser à la transmission est aussi une manière de prendre en compte l’audience locale d’une Biennale qui travaille avec une variété de lieux de la ville de Montréal. Et de mettre en œuvre des modes de médiation culturelle expérimentaux en lien avec l’oralité et les pratiques contemporaines du conte. La parole de la médiation comme celles de la curation ne sont pas ici autoritaires. Elles imaginent plutôt des formes d’invocations qui guident et perdent les visiteurs à la fois en les invitant à entrer dans un état particulier de sensibilité afin d’accueillir les fantômes des lieux et leurs histoires.

 

Commissariat

Olivier Marboeuf

Olivier Marboeuf est auteur, conteur, commissaire d’exposition indépendant et fondateur du centre d’art Espace Khiasma qu’il a dirigé de 2004 à 2018 aux Lilas (Seine-Saint-Denis). Il y a développé un programme centré sur des questions de représentations minoritaires qui associait expositions, projections, débats, performances et projets collaboratifs sur le territoire du Nord-Est parisien. S’intéressant aux différentes modalités de transmission des savoirs, les propositions d’Olivier Marboeuf sont largement traversées par des pratiques de conversations qui tentent de créer des situations éphémères de culture. Il explore notamment la forme de la veillée. Son intérêt pour le récit en art l’a amené à développer un travail spécifique d’accompagnement d’artistes impliqués dans les pratiques du film. Il est aujourd’hui producteur au sein de la maison de production Spectre basée à Rennes. Parallèlement, il développe des textes de fiction et des recherches théoriques autour des pratiques décoloniales dans le champs de la culture et du corps comme espace d’archive. Il publie régulièrement ses travaux en cours sur le blog Toujours Debout.

Consultant au commissariat

Moridja Kitenge Banza

Moridja Kitenge Banza est un artiste et commissaire canadien d’origine congolaise, né à Kinshasa en 1980 en République démocratique du Congo. Il est diplômé de l’Académie des beaux-arts de Kinshasa, de l’École supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole ainsi que de la faculté des Sciences humaines et sociales de l’Université de La Rochelle. En 2010, il reçoit le 1er prix de La Biennale de l’Art africain contemporain, DAK’ART, pour la vidéo Hymne à nous et son installation De 1848 à nos jours. Il a reçu un Prix Sobey en 2020. Son travail a été présenté au Musée Dauphinois (Grenoble, France), au Museum of Contemporary Art (Rosklide, Danemark), à la Arndt Gallery et la Ngbk (Berlin, Allemagne), à la Biennale Internationale de Casablanca (Casablanca, Maroc), à la Fondation Attijariwafa bank (Casablanca, Maroc), à la Fondation Blachère (Apt, France) ainsi qu’à la BAnQ, à la galerie Joyce Yahouda, à Oboro et au Musée des beaux-arts de Montréal (Montréal, Canada). En 2020, des oeuvres de l’artiste seront incluses dans des expositions de groupe à la Fondation Phi ainsi qu’au Musée d’art contemporain de Montréal. En 2022, il a été le commissaire de l’exposition Habiter le Monde : esquisse d’une rencontre qui a été présenter au centre Clark à Montréal ainsi que dans le Off de la biennale de Dakar au Sénégal.